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Avec « First Cow », la réalisatrice Kelly Reichardt poursuit son portrait d’une Amérique blessée

En sept longs-métrages, la cinéaste a esquissé une œuvre politique, habitée par les exclus du système vivant dans un pays déserté par ses mythes fondateurs. Son dernier film, présenté avant la pandémie de Covid-19, sort finalement sur les plates-formes de streaming.

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Publié le 16 mars 2021 à 06h00, modifié le 17 mars 2021 à 11h53

Temps de Lecture 6 min.

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La réalisatrice Kelly Reichardt lors du tournage de « First Cow », en octobre 2018, près de Portland (Oregon).

Sept longs-métrages en vingt-six ans. C’est la vitesse de croisière, que d’aucuns jugeraient trop lente, de Kelly Reichardt, figure discrète de la scène indépendante américaine née en 1964, à Miami (Floride), et qui résume à elle seule l’éthique de sobriété et le soin d’une œuvre parcimonieuse et cousue main. Il n’en a pas fallu plus, en tout cas, pour que s’impose, film après film, l’évidence que cette filmeuse, restée tout au long de sa carrière hors des grands circuits de distribution, était l’une des plus grandes cinéastes de sa génération.

Politiques, des films comme Old Joy (2006), La Dernière Piste (2010), Night Moves (2013) ou Certaines femmes (2016) le sont, mais non par de tonitruants effets d’annonce ou en arborant un slogan en bandoulière. Ils le sont de la plus belle des façons : par l’exemple, le respect accordé aux figures humaines, leur appréhension du territoire, leur souci de l’histoire, les relations étroites qu’ils tissent avec leur environnement.

Avec ses personnages exclus du système économique, le cinéma de Reichardt interroge les façons d’habiter ou d’arpenter une Amérique désertée par ses mythes fondateurs et confrontée à l’épuisement de ses récits providentiels. Sans doute lui doit-on le plus beau film de 2020, First Cow, chef-d’œuvre qui s’est brièvement faufilé dans les festivals, avant de voir sa sortie sabrée par la crise sanitaire.

Simple et bouleversante, l’histoire est celle d’une amitié entre un humble cuisinier et un immigré chinois dans l’Oregon du début du XIXe siècle, encore indéfriché. Les deux associés font fureur parmi les trappeurs du coin avec des beignets qu’ils concoctent grâce à un ingrédient secret : le lait subtilisé la nuit à une vache, la première introduite sur le territoire, propriété exclusive d’un potentat local.

« Nous présentions le film à la Berlinale, en Allemagne, où la tournée était censée débuter, quand les premiers signes de la pandémie sont apparus, raconte Kelly Reichardt. Chaque jour devenait un peu plus incertain, les informations s’accumulaient, le ciel s’assombrissait, et nous nous demandions : “On reste ou on rentre ?” Début mars 2020, First Cow est sorti en salle, mais n’est resté qu’un week-end à l’affiche. Quelques jours après, les cinémas fermaient. »

Un regard effaré

Après l’avoir gardé un temps au chaud, la société de distribution A24, pépinière de la scène indépendante, a fait le choix de céder First Cow aux plates-formes de streaming pour le territoire américain (en France la question d’une sortie salle reste ouverte). « Quand on tourne, réagit la réalisatrice, tous les choix, du cadre aux couleurs, en passant par le son, sont pensés pour la salle. Et, soudain, le film se retrouve à la télévision. Quand je marche le soir, je passe souvent devant les fenêtres illuminées et je regarde comment sont réglés les écrans – pour des matchs de foot, mais pas du tout pour regarder un film. D’un autre côté, je ne tenais pas à ce que quiconque se rende malade en allant au cinéma. A24 a simplement cherché un moyen pour que le film ait une vie malgré tout. Je suis quand même heureuse que des gens aient pu le découvrir, même si j’aimerais d’abord aller chez eux régler leur téléviseur ! [rires] »

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